Théâtre – Art du récit – Art de la Parole
Il y a le grand-frère.
Et la petite sœur.
C’est une histoire de famille.
À la fois particulière.
À la fois terriblement banale.
C’est l’histoire d’un inceste.
Une histoire de lignée et de tout ce qui recommence.
Une histoire de société aussi et de tout ce qui recommence.
La bouche s’ouvre, le silence éclate, la parole s’impose nécessaire.
Et elle jaillit pour raconter :
Le combat d’une chevaleresse,
Les rouages d’une mécanique traumatique,
L’urgence de sortir du tabou,
Raconter tout ce qui nous dépasse.
Et surtout tout ce qu’on peut dépasser.
C’est l’histoire de ce dont on est capable.
Se relever.
Être libre.
Un spectacle protéiforme
Un projet qui parle d’un problème de société doit s’adresser à la société dans son ensemble. Pour se faire, CHEVALERESSES s’est construit à travers différentes formes et à différentes étapes de son processus de création, afin de toucher tous les publics qu’ils soient isolés, empêchés, habitués au spectacle vivant, novices en la matière. Ces formes peuvent se jouer en salles mais également In Situ, dans des lieux non dédiés.
Un spectacle protéiforme, tout terrain, pour multiplier les opportunités de diffusion, faciliter très simplement et concrètement l’accès à cette parole. Au plus proche des populations.
Texte : Nolwenn Le Doth
Accompagnement dramaturgique : Faustine Noguès
Mise en scène : Nolwenn Le Doth
Collaboration artistique : Thibault Patain
Interprétation : Nolwenn Le Doth
Création sonore et vidéo : Nicolas Maisse
Création lumière : Juliette Besançon
Scénographie : Claire Gringore
Costumes : Coline Galeazzi
Chorégraphe : Thomas Guerry
Arrangement et composition : Lilia Ruocco
Ingénieur son : Nicolas Baillard
Production & diffusion : Cécile Graziani – Realiz
Administration : Marion Llombart – Realiz
Composition générique : Laurent Peju
Public – À partir de 14 ans
Durée – 1h20
Partenaires, soutiens et co-productions : Le Théâtre des Halles (Avignon, 84), le Théâtre des Carmes (Avignon, 84), le Centre Dramatique des Villages du Haut Vaucluse (84), le Cercle du Midi, la Fabrique Mimont (Cannes, 06), l’Entre-Pont (Nice, 06), Le Pas de l’Oiseau (Veynes, 05), Le Centre des Arts du Récit (Saint-Martin d’Hérès (38), La Garance – Scène Nationale de Cavaillon (13), Château Rouge – Scène Conventionnée d’Annemasse (74), le Pôle des Arts de la Scène.
Avec le soutien de la Ville d’Avignon, du Département du Vaucluse et de la DRAC PACA
Ma maman est enceinte de moi.
Elle dévore l’intégrale du cycle de la légende Arthurienne.
Un jour, quand je suis plus grande, je me dis que peut-être je suis née pour être une Chevaleresse, descendante du Roi Arthur.
Cette idée me fait rire. Je l’aime bien.
Je crois qu’elle m’aide à dépasser mon drame de l’enfance : l’inceste.
Un autre jour, plus tard, je me rends compte de l’étendue de toutes les histoires d’inceste. Je suis littéralement atterrée, tout en me sentant moins seule. Surtout je me dis qu’il est urgent de dévoiler ces histoires. Il faut mettre en lumière, à la vue de toutes et tous, ces drames profondément enfouis. Et je me sens une sorte de responsabilité étrange. Mon histoire devient la clé d’une grande porte que je peux ouvrir si je me mets à parler.
Les histoires d’inceste ne sont pas des faits divers ou des cas isolés mais tout un système bien plus vaste. Elles existent dans toutes leurs dimensions tragiques, politiques et culturelles. Ces histoires là nous concernent toutes et tous. Elles sont autour de nous. Au sein des familles. Au cœur d’une société patriarcale qui ne semble pas vouloir analyser ni décrypter ce que ces drames peuvent venir révéler de nos communautés. C’est réel. C’est là. Ce n’est pas nouveau. Cela fait partie intégrante de notre histoire commune. Les histoires de violence sexuelle racontent tout ce que l’on tait et que l’on tente d’enfermer dans un silence de mort. Elles sont aussi l’écho puissant de tout ce que l’on reproduit génération après génération au cœur des sociétés patriarcales. Elles viennent révéler le lien étroit qui existe entre Politique, Justice et Intimité.
Chevaleresses c’est l’histoire d’une métamorphose, d’une transformation. Comme si de Chevaleresse je suis devenue Alchimiste. J’ai eu la chance que tout se transforme en moi, et que tout se transforme dans ma famille, pour chaque individu. A la suite de mon parcours judiciaire et de la confrontation de chaque membre de la famille à cette histoire, mon grand frère a fini par m’écrire : « Nolwenn du plus profond de mon âme je te dis MERCI ». Mon père m’a prise dans ses bars et m’a dit : « Nolwenn, tu es une alchimiste. Non seulement tu as transformé la merde en or mais surtout tu as permis à chacun de nous d’être. »
Tout cela à la force de la vie qui bouillonnait en moi et à force d’Amour.
C’est pour ça que j’ai écrit ce texte. Pour dire que c’est possible de sortir du système patriarcal qui est tout sauf de l’Amour. L’Amour rend libre. Le patriarcat est un système de domination absolue des êtres. Tous les êtres. Des femmes ET des hommes. L’inceste en est la preuve ET le résultat. Les violences sexuelles en sont le bout de l’iceberg et l’nceberg. Entendre, écrire, écouter, dire Les histoires de violences sexuelles est peut-être l’espoir d’un démantèlement de ce système. C’est l’espoir de sortir de cette mécanique morbide.
Chevaleresses, c’est mon parcours : celui d’une petite fille, d’une adolescence, d’une femme. C’est une autofiction : je me sers du réel et je le transforme, je le transcende.
Je m’imagine Chevaleresse. Cette Chevaleresse traverse les âges en croyant devoir consacrer sa vie à une quête d’absolu, une quête presque métaphysique, en héroïne de sa famille et de l’Humanité. Cette descendante du Roi Arthur décide de se mettre à raconter, partager ses aventures. Au fur et à mesure du récit de sa quête, elle se dépouille de son armure, couche après couche. Elle finira par remettre son épée, sorte d’Excalibur, dans la pierre. Parce-que c’est fini. Elle peut « vivre avec ça » maintenant.
Pour ce tout premier texte, il fallait trouver le décalage qui allait permettre à cette parole d’être porteuse de justice et d’espoir. Aller à la recherche d’une théâtralité grinçante et poétique. C’est un puzzle : il y a le « légendaire » de l’enfance, il y a le parcours judiciaire, il y a la bête et il y a les jeux TV sur fond de Pop Culture. Il s’agit alors d’imaginer un montage entre ces différentes écritures et ces différentes temporalités pour les faire résonner l’une l’autre. Trouver l’équilibre. Ainsi révéler toute la complexité de ces histoires en faisant émerger une langue simple, directe et rythmée. Une langue qui ne saurait se détacher du corps, qui engage le corps puisque c’est par le corps que tout a été vécu : de l’effroi à la résilience. Le corps est plongé dans une machine à jouer que crée la forme puzzle.
J’espère ce texte ouvert et plein d’espoir. Je le veux généreux et vivant. Une parole tournée vers l’avenir. Avec la joie d’inscrire Chevaleresses dans le mouvement de libération de la parole que nous vivons aujourd’hui.
Parce qu’enfin si tout le monde se met à parler, c’est sûr il va se passer quelque chose.
« Mémé, Mamie,
Je vous fais mes alliées.
La Cie Francine & Joséphine portera vos deux prénoms comme une promesse pour une lignée qui va pouvoir raconter tout ce qu’elle n’a pas pu, n’a pas su dire.
Pour tout ce qui reste à écrire et à dire. Au-delà, bien au-delà d’une lignée. »