Photographie
Souvenirs du présent, c’est une déclaration à un aujourd’hui qu’on oublie. C’est mon zoom, mon focus, sur tous ces instants – doux, tendres, tristes ou joyeux – qui font notre quotidien mais que nous ne voyons plus car nous cadrons sur autre chose : la nostalgie du passé, l’actualité du présent ou l’anxiété du futur.
Car le quotidien est un présent discret qui se cache sous celui – plus grand – de l’actualité, des médias, d’une génération ou d’une décennie.
C’est ce quotidien, si nous lui accordons plus d’attention, qui peut nous porter, nous ravir, nous faire tenir et traverser cette grande période de l’histoire que nous vivons.
Ce projet a l’espoir et l’ambition de voyager, de vagabonder à la rencontre d’autres présents, de faire des ponts entre les quotidiens d’autres gens, d’autres villes, pays et cultures afin de témoigner des petits instants du monde entier.
Il commence à Saint-Etienne-de-Tinée, un été 2021 en colonie de vacances. Alors que nous avons accumulé plusieurs confinements et couvre-feux, la vie reprend son cours, petit à petit. Après des mois d’isolement, les enfants se retrouvent. La joie revient, les échanges, les partages, les émotions aussi.
C’est celles-ci que j’ai eu la chance d’apercevoir, de sentir et de capturer pendant deux semaines. Malgré des mesures, malgré des masques, malgré le fait que les choses ne soient pas totalement comme avant. La joie est là. La vie aussi, toujours. Malgré tout.
C’est celle-ci que j’ai voulu célébrer. La vie de ces personnes, ces jeunes, ces enfants qui se retrouvent. La vie d’une parenthèse de bonheur. La vie d’un quotidien, les instants d’un présent qu’on retiendra sûrement comme celui de « la crise sanitaire », et pourtant. C’était ça, aussi. La vie malgré la crise.
Ces photographies sont un hommage à la période humaniste de la photographie. Ces images de joie et d’innocence – d’enfants le plus souvent, d’amoureux aussi – après des années de souffrance et d’horreur. La vie qui reprend. La vie simple, la vie douce.
Décembre 1993, l’écume de la mer Méditerranée se pose et se repose sur les galets niçois. Noël approche. Les derniers cadeaux attendent d’être choisis. À quelques kilomètres, madame S reçoit le sien à l’avance : une petite fille aux effluves de caramel beurre salé. C’était il y a 27 ans, Gaëlle Simon accoste le long de la Baie des Anges. Huit ans plus tard, elle reçoit son premier appareil photo. Une révélation dans la vie de cette petite rêveuse au grand coeur. Son environnement l’inspire : les arbres, les fleurs, son frère et sa soeur sont déjà ses modèles de prédilection. Sa curiosité et sa passion pour l’image l’amènent à s’initier à l’illustration, à la vidéo et au graphisme. Au lycée, ses cours d’art lui font prendre conscience que photographier, c’est aussi s’exprimer et que si les paroles s’envolent, les images restent. Premier déclic. A la fac, elle part avec deux copains faire danser les gens dans la rue, pour un clip, pour le plaisir. Ca marche : 450 000 vues ! A partir de là, elle ne concentra l’essentiel de son travail que sur le positif et le bonheur. Deuxième déclic. Elle commence à exposer et à collaborer un peu de partout. Concept stores, cantines mignonnes, Palais de la Méditerranée ou Théâtre National de Nice… Toujours le même objectif : faire passer ses idées à travers la joie. En 2014, une rencontre déterminante avec Irina Brook l’amène à devenir la photographe et vidéaste officielle du Théâtre National de Nice (et à créer, en 2016, l’affiche la plus grande de sa vie !). Propulsée dans cette réalisation géante (40mètres de haut, quand même !) Gaëlle Simon veut revenir à l’essentiel : petit, mignon et spontané. Les très petites histoires d’amour voient le jour.
Un tour de France commence, à l’été 2017. Gaëlle Simon part, sac sur le dos et appareil photo en bandoulière, photographier les visages croisés sur le chemin et déposer ses très petites histoires d’amour aux quatre coins de son pays : Nice, bien sûr, mais aussi Paris, Montpellier, Toulouse, Lyon, Bordeaux et même au Canada ! Québec et Montréal ont pu, grâce à deux amis, abriter cette exposition éphémère et délicate.
Elle continue de signer jusqu’en 2019 les visuels de saison du Théâtre National de Nice. C’est cette même année que les mots commencent à s’inviter dans ses expositions. D’abord à travers le projet Boum Boum, exposé chez Martin Sauvage et Paloma Cantine, à la Crème Festival et à l’Hôtel Amour de Nice, puis pour le projet Histoires d’Amours avec les Galeries Lafayette de Nice en 2020. C’est un tournant majeur, sa démarche devient plus introspective et les mots essentiels pour exprimer ce que les images ne peuvent plus dire.
Se rencontrer soi, pour rencontrer réellement le monde et donner du sens à son existence, c’est ce qui motive le projet Au Petit Bonheur, un oracle philosophique, poétique et artistique pour enfants et grandes personnes à paraître en 2021. Pour connaître ce bonheur et cet amour cherché depuis des années, il fallait plonger dans les ombres de son intérieur. Ce jeu de cartes multi-colore est l’arc-en-ciel né de la pluie de sa vie.
Texte : Sibylle Gay & Gaëlle Simon