
Théâtre

« Voici la nuit la plus noire de la terre. Sa Majesté, le Roi, le soleil s’est éteint. »
Le Général Lambriamont officie pour l’éloge funèbre. Mais cette oraison n’est pas du goût du Roi défunt qui se réveille de son sommeil mortuaire pour rétablir la vérité sur sa vie et plus particulièrement sur « son œuvre la plus grandiose, la fondation de l’Etat du Congo ». Le temps se tord et le flash-back se met en route. Léopold II revient sur le récit de sa vie, faisant ainsi intervenir tous les personnages de son entourage pour une épopée politique et burlesque autour de la colonisation du Congo.
La vie et les œuvres de Léopold II témoigne de la dimension ludique et universelle caractéristique de l’écriture théâtrale d’Hugo Claus. Au fur et à mesure du texte, c’est une spirale infernale et frénétique qui se met en route. Une véritable machine à jouer. Cinq comédiens face à dix-sept personnages. Il faudra faire tourner les rôles autour d’une seule et même figure : le Roi, maître du jeu, maître de notre jeu. Quatre « acteurs-électrons » tourneront autour de cet atome ubuesque. Au cœur d’un univers grotesque et rythmé, ils dessineront les traits de ce Léopold II mettant en exergue tel ou tel comportement de Sa Majesté. Ces personnages aux traits grossis évoqueront eux-mêmes d’autres figures de pouvoir : l’Eglise, la Reine, l’Etat… Puis une esthétique : simple, brute, radicale, épurée, linéaire. Un terrain de jeu que nous symboliserons par un simple rectangle au sol. Le choix de cette pièce politique nous conduit notamment à interroger les rapports au pouvoir, les mécanismes d’un racisme basique et radical, ici racisme d’Etat, et les contradictions d’un homme entre sa fonction et sa nature d’Homme. Le cas précis de la colonisation du Congo par le Belgique sera prétexte à universaliser et à faire résonner ces grands thèmes aujourd’hui. Comment parler de la colonisation de nos jours et de ses manifestations dans nos sociétés contemporaines ? C’est au travers d’une esthétique brute et épurée où accessoires deviendront symboles et codes, que nous tenteront de révéler le ludique et la puissance politique de ce texte. Une réplique de Léopold II fait immédiatement écho à toute notre réflexion sur ce texte. Elle s’impose naturellement comme titre de notre adaptation : « C’est dans l’ombre que le crocodile grossit le mieux ».
Le collectif Le Bleu d’Armand a été fondé en 2010 à l’initiative de comédiens rencontrés au conservatoire d’Avignon.
Ce collectif est un espace de création, de tentatives, de liberté et de découvertes.
Pour jouer, tenter, raconter des histoires, dire les paradoxes de nos sociétés contemporaines.
Pour les certitudes et surtout pour les doutes.
Un espace de mutualisation, de bienveillance et de solidarité.
Il réunit des artistes pluridisciplinaires associés aux différents projets qui s’efforcent de trouver, lors de mises en scènes collectives, une dynamique commune pour défendre un théâtre ludique, poétique et responsable, constamment en écho avec les questionnements et les paradoxes de notre monde contemporain.
Nolwenn Le Doth et Anna Pabst en sont les directrices artistiques.